donc mes mes premières questions sont des questions tout à fait traditionnelles sur depuis quand vous êtes arrivée dans le quartier
euh alors ben parce que moi moi finalement j'ai un peu j'ai un peu parcouru l' quatorzième
parce que
oui
quand je suis née euh nous avons habité avec mes parents et ma soeur donc rue Boissonade + euh sur Raspail + et au-dessus du Centre américain donc qui n'existe plus + et puis euh et puis après euh + sur Denfert + donc euh dans une petite rue qui donne sur la place Denfert-Rochereau mes parents étaient commerçants rue Daguerre + et moi quand je suis partie de chez mes parents j'habitais rue Daguerre
d'accord
et finalement euh ici l'occasion s'est présentée euh quand j'ai cherché une librairie à reprendre + euh j'en ai vu vu plusieurs là sur Paris donc et puis s- c'est ici que ça s'est fait finalement
c'était déjà une librairie donc
c'était déjà une librairie alors ici la librairie elle existe depuis euh + j'ai une cliente qui fait des recherches généalogiques un jour elle est retombée un petit peu comme ça par hasard sur des + sur des registres de commerce et euh c'est elle qui m'a dit qu'apparemment euh la librairie avait été ouverte autour des années alors attendez + euh ça doit être en vingt euh + je crois que c'est vingt-six + donc la librairie le lieu en tant que librairie a à peu près quatre-vingts ans quoi
et quand vous avez repris y avait une clientèle de
quartier
oui
y avait une clientèle de quartier qui a énormément changé donc parce qu'ici on on est sur un quartier qui est très euh + qui est très cerné hein c'est-à-dire qu'on a y a vraiment des frontières dans ce quartier
quartier + voilà + + alors ça c'est clair
eh ben c'était une de mes questions alors je vous écoute + oui
c'est l'avenue Général Leclerc
oui
hein
tout à fait
euh la rue d'Alésia qui sont vraiment des grands axes de circulation
oui
et la rue de la Tombe Issoire grosso modo voilà et on est dans une sorte de triangle comme ça un petit peu + d'ailleurs c'est à peu près le la configuration qu'ils ont gardée pour créer y a quelques années c' fameux quartier vert + qui finalement a fini par tuer l' quartier quoi + parce qu'ils ont coupé totalement la la circulation + y a certaines rues elles ont une seule rue (à, a) trois sens différents + ils ont essayé de casser le passage dans l' quartier pour en faire un quartier tranquille et ce qu'ils ont appelé un quartier vert mais
finalement plus personne
finalement
ne rentre dans c' quartier ni n'en sort d'ailleurs
ah oui
donc c'est un peu oui non
donc pour vous ce n'est pas un
ça ça fait un quartier un peu
mort euh
ça oui
j' me suis pas rendue compte en arrivant comme j'étais au café
d'en face
voilà
mais comme nous on est pas très très loin d' l'avenue bon c'est vrai qu'on a quand même un petit peu le quoiqu'y a pas d' passage hein le les gens qui + on a pas la clientèle de l'avenue en général le passage de l'avenue Général Leclerc + on l'a quasiment pas ici nous on a l' passage des gens du quartier + et euh + et c'est tout parce que y a une euh moi j' me rends compte maintenant comme euh + beaucoup d'anciens habitants c'est il paraît qu'à une époque ce quartier était un des plus vieux d' Paris au niveau d' l'âge + donc euh depuis on va dire je pense maintenant à peu près une dizaine d'années le quartier s'est beaucoup renouvelé dans la population + il s'est rajeuni et euh on + donc on a pas euh + quelque part on a + on a un peu perdu la clientèle traditionnelle + surtout nous en librairie c'est-à-dire des gens d'un certain âge
maintenant qui sont même très âgés voilà + voilà
qui lisaient beaucoup et qui
très très proches du livre de la + bon des gens qui à l'époque il faut quand même le dire + euh avaient quand même les moyens c'étaient souvent ou des gens d'une cinquantaine d'années donc euh + plus d'enfants à charge + ayant leur appartement donc très peu regardants bon ils venaient acheter c' qu'ils avaient envie + donc c'est vrai une clientèle plutôt facile on va dire pas très euh + très attachée aux commerces de quartier c'étaient encore des gens qui traditionnellement étaient encore très très attachés aux commerces
donc ils voulaient garder leur librairie d' quartier
et que la FNAC n'avale pas tout quoi
mais tou- tous les com- + voilà
tous les commerces en général hein pas que la librairie c'est vrai que + euh on voyait ces dames retraitées qui allaient faire leurs courses tous les matins passer chez chaque commerçant + dire un petit mot bon le côté très traditionnel de la vie un peu en ville et d' la vie de quartier + et ça je je dois avouer qu'on l'a beaucoup perdu depuis à peu près dix ans
alors qui vient?
euh et bien on a toujours un peu ceux-là qui vieillissent euh y en a d'autres qui sont partis du quartier qui reviennent de temps en temps + et puis bon quand même évidemment des nouveaux mais euh il faut quand même bien reconnaître que ils sont plus jeunes donc moins proches du livre + hein + euh ils ont en général bon pour vivre dans c' quartier il faut quand même beaucoup d'argent parce que des loyers sont très très chers ici + euh l'immobilier est très cher dans l' quartier + y a un moment euh ils disaient que on avait eu des chiffres + je crois qu'y a y a quelques années ils avaient dit qu' l'immobilier avait augmenté d'environ neuf pour cent à Paris + et euh sur le quartier vert
ce fameux quartier vert euh ils ont dit qu' ça avait augmenté d'à peu près douze à treize pour cent là par contre donc vous voyez + c' qui fait qu' finalement le l'immobilier (X, ici) dans ce coin est très très cher + et on (n')arrive plus à maintenir des clientèles ceux qui sont en location la moyenne c'est environ trois ans + y a des déménagements et des emménagements en permanence + ils restent pas longtemps sur le coin apparemment y a pas de très grands appartements + donc euh des jeunes
couples qui s'installent dès qu'y a un enfant voilà
donc pas tellement d'enfants + voilà
dès qu'y a un enfant ou deux au moins deux le quand le deuxième arrive ils partent + et très souvent ils partent en banlieue + voilà ils restent pas à Paris + donc euh + ça c'est un petit peu pour c' qui a été des changements de du quartier moi je suis là depuis vingt-trois ans + donc c'est vrai qu' ça fait quand même beaucoup d' changements c' qui fait que pour nous maintenant dans des petites dans des petites rues comme ça + où on a pas ce passage de l'avenue les gens ne rentrent pas dans les quartiers maintenant
donc on a beaucoup de mal à maintenir voilà une clientèle de quartier
donc ça devient difficile hein c'est ce que vous êtes
mais bon je
je n'avais pas prévu de vous interroger là-dessus
et puis y a quand même un problème financier hein quand même hein
mais euh du coup vous pouvez pas travailler par exemple avec les lycées et
y en a pas + et puis les lycées si vous voulez maintenant les livres sont gratuits + euh nous dans l' quartier on a on a pas d' lycée déjà y a deux collèges la rue euh rue d'Alésia + mais ce ce y a pas d' lycée + et la seule école privée qu'y avait dans le quartier moi avec qui j'ai travaillé un peu quand j' suis arrivée ici + a fermé y a maintenant pfou + peut-être au moins douze ans + je pense hein douze treize ans +
oui
donc euh + de c' point de vue-là puis y a deux maternelles + mais euh de c' point de vue-là c' sont des écoles publiques hein y a deux maternelles et une école primaire rue
Prisse d'Avennes un petit peu au-dessus mais
non je pensais à ça parce que
j'imagine que des maternelles ça a besoin de livres d'enfants + + euh
oui bon alors euh pour ce qui est de
d'avoir euh XXX
pour ce qui est du livre jeunesse
on va dire du livre de détente
oui + oui
mais pas pas du livre scolaire hein c'est vrai qu'au niveau scolaire non on a jamais vraiment travaillé euh
avec du du point de vue scolaire
non non je pensais aux albums
pas spécialement
pas spécialement
oui pas vraiment
c'est vrai que bon maintenant ce sont de jeunes parents qui sont moins orientés sur le livre + donc qui automatiquement orientent moins les enfants sur le livre
donc souvent c'est les
mais ce dont
grand-parents qui achètent les livres
ce dont vous parlez
plus que les parents
c'est la crise générale des des Français
oui
enfin des Français pas simplement des Français hein des + de l'humanité de la
lecture on est tous
oui oui oui oui absolument
très inquiets
les gens sont très absorbés par l'image maintenant et le loisir surtout sur ces générations-là quand même maintenant + c'est des générations bon je vois ici ceux qu' ont des enfants sont à peu près autour des trente ans je pense hein + donc euh ils sont déjà d' la génération d' l'image + et et d'Internet il faut quand même le dire donc c'est pas tant le livre électronique pour le moment qui est une concurrence c'est un peu bon évidemment les achats sur Internet + euh donc sur les sites de vente de livres
ça ça commence aussi
et puis oui
et puis surtout le le temps que les gens passent devant Internet + ah ça ça a mangé énormément le le loisir lecture est devenu le loisir image hein quelque part on est + quand on passe quatre heures sur Internet on pen- on a plus beaucoup d' temps pour ouvrir un livre
absolument
donc euh + et et ça ce sont des jeunes qui sont vraiment génération image + bon puis d'autre part y a un problème d'horaire hein je + moi je dis souvent j'ai l'impression que + je sais pas dans d'autres quartiers un peu périphériques de Paris + euh mais moi j'ai l'impression ici qu'on devient un peu quartier dortoir les gens partent tôt l' matin rentrent tôt l' soir + ça c'est l' problème de Paris je pense et d' la région parisienne aussi + les les gens ont de plus en plus de transports en commun + euh de plus en plus de transports en tout cas pour aller travailler
donc euh
on aurait pu
penser que les gens du quatorzième étaient privilégiés restaient dans la ville mais non
+ non moi je vois j'ai j'ai je connais plus euh + y a quand même une bonne partie d' l'immeuble que je connais plus trop + mais j'ai des jeunes voisins qui sont là quand même depuis maintenant sept ans à peu près + euh bon eux n'ont pas d'enfants mais ils sont cadres tous les deux et + c'est vrai
que bon + je les vois pas partir le matin mais le soir euh
les horaires de cadres c'est abominable oui
je me dis souvent quand je les vois rentrer je me dis "ah j'aurais ça XXXX hein + je devrais être fermée là normalement" ca veut dire que en général je les vois pas avant vingt heures quinze hein + c'est à peu près le le leurs heures de + si je les vois euh si je les vois vers vingt heures ou dix-neuf heures trente c'est qu'ils sont partis plus tôt hein voilà
et alors avec (c', ceux) qui (reste, restent) votre métier de libraire a changé?
euh
est-ce que les gens arrivent voilà ma question ça serait euh + on on a dit qu'y avait eu les années Pivot puis les les maintenant y a justement tout tout c' qu'on trouve sur Internet est-ce que les gens arrivent en sachant ce qu'ils + veulent est-ce que vous jouez
un rôle de conseil
ça ça a pas beaucoup changé
moi je trouve pas énormément bon y a + euh de ce point de vue-là oh y a y a toujours eu ceux qui savaient c' qu'ils voulaient en arrivant + euh bon y a c'est encore alors ça c'est très étonnant parce que c'est vrai que on + disait que on avait l'impression quand même que les gens lisaient moins + par exemple par contre le le livre est toujours euh est toujours un cadeau + moi je fais toujours beaucoup de paquets cadeau + euh donc là ces gens-là par contre quand ils viennent alors c'est pareil y a les deux soit ils veulent offrir un livre très précis + bon on l'a on l'a pas quand on l'a pas si c'est urgent ils achètent pas on commande pas + et euh sinon ils demandent conseil bon moi j'ai encore quelques clients oui qui viennent et qui demandent conseil + euh et puis + c'est c'est assez varié quand même c'est assez varié +
mais
oui euh
je trouve que ça a pas dans le choix même des livres ça a pas beaucoup changé + bon moi ce qui me fait un petit peu peur pour c' qui est du pur- de l'aspect purement littéraire on va dire + c'est que + les médias ont beaucoup habitué les gens à lire on va dire des textes faciles + euh y a évidemment le côté mais ça c'est l' domaine de l'image toujours + le côté très voyeuriste qui est arrivé je trouve + euh par exemple y a qu'à ci- pour citer par exemple que le livre de Simone Veil qui est paru à l'automne dernier + + euh bon + y a des gens qui qui l'ont acheté évidemment Simone Veil parlant d'elle + c'était quand même un peu un événement + et d'autre part mais je sais qu'y a des gens qui ont été un peu déçus sur le a- a- après les réflexions + ils s'attendaient à quelque chose
d'un peu différent
ils voulaient de l'émotion
et on leur a
donné d'l'analyse
ils voulaient quelque chose de
voilà a- bon apparemment
moi personnellement je n'ai pas moi non plus
enfin je n'l'ai pas lu ce livre mais
hein je l'ai un peu parcouru + mais euh bon le livre est un peu à l'imal- à l'image de la personne hein finalement + euh elle est restée un petit peu j' dirais pas en surface mais elle s'est pas totalement révélée et j' crois que ça ça a déçu certaines personnes + ils s'attendaient à des peut-être des détails plus croustillants il faut quand même le dire on on + y a beaucoup d' gens qui ont un peu cette attente-là dans tous ces textes ou les récits autobiographiques ou carrément des autobiographies ou des mémoires + ou c' qu'on appelle maintenant le la le le le le roman fiction quoi enfin le rom- pas le roman fiction le roman euh le roman autobiographique + euh donc et c'est je crois qu'y a quand même beaucoup d' gens qui vont chercher ça dans ce genre d'ouvrages +
euh j' me suis promenée et j'ai regardé un petit peu y a quand même une part euh + votre part à vous de goût et de choix
on est entre les deux quand on regarde le
ben on essaie voilà oui
on essaie bon i- il est vrai que les les les on va dire les les les livres qui passent surtout par les médias c'est vrai qu' cette année ça a été très caractéristique + y a eu le mois Gavalda + hein puisqu'elle en a sorti un nouveau cette année + ensuite on est passé au le mois d'après ca a été euh Musso qui est un jeune auteur euh + euh Guillaume Musso dont on parle beaucoup dans les médias surtout + euh après on a eu le mois Marc Lévy + hein + et puis là on est dans le mois Fred Vargas
d'accord
et c'est vrai qu' quelquefois je j' me dis "mais bon sang" on a l'impression qu'y a un livre par mois qui sort ! + euh parce que ces gens-là on les on on ne parle que d'eux on les voit partout on les + or il sort quand même je pense maintenant en moyenne + tous genres confondus parce qu'y a des postes en édition qui sont très importants comme le domaine jeunesse + le domaine cuisine + euh bon évidemment le scolaire quand même qui tourne beaucoup on est quand même en moyenne je pense à peu près maintenant à cinq mille parutions
par mois par mois
c'est peut-être justement pour ça
hein + si y a tellement de titres
mais c'est ça
qui est énervant c'est que voilà ça totalement
ça écrase complètement le:
donc moi je dis souvent on on on est euh on est dans un une sorte de maelstrom comme ça de de au niveau des publications + et puis alors de temps en temps émergent comme ça certains textes qui remontent un peu à la surface + mais euh + et nous notre grande difficulté maintenant pour des structures très petites comme ici + euh c'est d'arriver à faire le ménage dans tout ça + de repérer certains textes + et puis de les mettre en avant donc tout ça demande énormément d' temps + et c'est et c'est tout ce qu'on a retiré au livre maintenant c'est le temps + mais c'est l' même problème pour le cinéma par exemple hein +
oui
euh bon voilà + y a une masse de films qui sort tous les mois on met l'accent sur deux trois films + vous allez bon vous en avez repéré un au bout d' quinze jours trois semaines quand vous voulez
aller le voir il est déjà plus dans les salles
bon ça tourne
ça tourne très
très vite
voilà
évidemment
donc euh ça c'est un c'est un énorme problème la gestion des stocks + et la gestion des des titres + donc nous on a besoin de temps en tout cas bon moi j' suis toute seule hein donc + il m' faut quand même un certain nombre de temps pour arriver à regarder ce qui arrive
et encore pas toujours
lire un petit peu
au moins en diagonale
oui oui + mais moi je je je dis souvent à mes clients bon moi j'ai un problème un petit peu + c'est que je pense e- être lectrice presque avant d'être libraire donc je je sais pas lire en diagonale + je vois pas l'intérêt je sais pas le faire + et puis j'aime pas bon moi il m' faut je lis tout les points les virgules les euh + bon voilà
donc euh + ça me prend + + ah oui + oui
XX donc vous maintenez cette lecture exigeante
et et du coup vous n' lisez pas tout
mais au moins les + les
non non très très loin de là
choix enfin j'ai vu y a les X qu'ont y a les ceux qui ont des prix mais y a aussi des livres qui sont sans doute vos
oui puis moi souvent je
je + c'est vrai que souvent
XXX
les prix littéraires quand je les ai lus c'est souvent avant c'est j' j' vais pas lire un un livre par exemple parce qu'il a eu un prix littéraire + ça en soi j' trouve pas ça très passionnant quoi c'est euh surtout quand on sait comment fonctionnent un petit peu les prix littéraires
ouais mais apparemment ils s' trompent pas tant qu' ça y en a pas mal sur votre table
oui oui
ben parce qu'ils arrivent en plus hein
XX
puis c'est vrai qu'à un moment donné bon quand certains textes ont le quand on a certains textes euh + euh qu'on les avait avant bon quand ils ont un prix les éditeurs bon font mettre une bande dessus donc automatiquement ils nous reviennent avec la bande à un moment donné hein
d'accord
quand on les recommande donc ça c'est un + c'est tout à fait systématique + mais je me rends compte que s- finalement c'est surtout les + ce sont surtout les + les les les livres de on va dire les prix de lecteurs qui sont le plus intéressant + comme le prix
du Livre Inter le Goncourt des lycéens
le Goncourt des + lycéens
oui
qui est souvent il faut quand même le dire maintenant depuis quelques années quelquefois
supérieur au Goncourt tout court
oui + je
trouve aussi hein
et moi j' me dis euh j-
d'ailleurs quand on en
très XX
parle avec euh certains clients euh + + qui sont encore assez proches de la littérature et du livre j' me dis euh j- je n'arrive pas à comprendre maintenant pourquoi les éditeurs + ne vont pas regarder d'un peu plus près + euh les prix des lecteurs + pour voir un petit peu c' que les c' que
les lecteurs voilà
les tendances euh
ce que les lecteurs demandent finalement à un livre + et on s' rend compte qu'y a toujours un minimum de qualité littéraire + de construction littéraire donc une certaine exigence quand même et dans l'écriture et dans la construction + et quelque part autre chose que toutes ces autofictions qui sortent
à n'en plus finir + oh là là surtout moins
moins de nombrilisme c'est
c'est Claudel cette année le à nouveau le
le Goncourt des lycéens hein oui
le Goncourt des lycéens oui c'était
Philippe Claudel
très très beau livre moi c'était
donc X quelqu'un qui
un d' mes préférés d' la rentrée de l'année dernière hein je l'ai beaucoup vendu déjà avant qu'il ait le + mais j' trouve que c'est un des auteurs importants actuellement enfin pour moi en tout cas + il fait partie vraiment de ces écrivains qui sont qui sont c' qu'on appelle vraiment pour moi des auteurs + c'est-à-dire des gens qui qui y a il y a une écriture + il y a une vraie histoire parce que je crois que bo- beaucoup d'auteurs ont oublié
ça + c'est que le roman pour ce qui est du roman j' vous parle pas du reste hein
ça je pense c'est + il faut que ça parle quand même
un tout petit peu d'un
réel autre que euh moi et mon nombril
ah mais attendez le roman c'est une histoire
comme on dit un bon film c'est un bon scénario + un bon un bon roman au départ c'est déjà une histoire
oui
hein
les Français ont du mal avec ça effectivement
ce qu'il n'y a pas du tout dans l'autofiction hein
l'autofiction y a aucune histoire ces gens qui se répandent sur eux-mêmes sur euh trois cents pages + euh donc y a c'est déjà pas porteur quelque part hein ce ce ce genre de + alors que bon on peut dire par exemple pour Claudel oui c'est un vrai romancier + parce que y a il recrée des lieux il a ses propres son propre imaginaire son propre + et puis euh et puis bon y a y a cette écriture et cette façon de de + cette façon de faire hein
quelque part y a un vrai voilà + oui + oui + ah oui
y a un goût + y a un goût pour la le style effectivement
ah oui oui c'est c'est moi je trouve en plus que là le dernier là Le Rapport de Brodeck + pour moi c'est peut-être un des plus aboutis que j'ai lus de lui
ah oui c'est vraiment très très bel ouvrage + ah oui
ah écoutez vous allez m' donner envie de l'acheter parce que moi je n' l'ai pas lu
non il faut le lire + moi je je je dis rarement à mes clients "il faut" ou "on doit" + parce que je je crois qu' la lecture + d'ailleurs c'est souvent c' qu'ils ont un petit peu perdu d' vue c'est quelque chose de spontané + j' pense qu'on a tous eu l'expérience d'avoir acheté des livres à un moment donné qu'on a lus trois mois après parce que + on arrivait pas à rentrer dedans + et et je et beaucoup de de personnes ont perdu l'instinct du livre + moi j' dis quelquefois aux gens "mais pourquoi vous prenez pas celui-là ça fait trois fois que vous le touchez et qu' vous l' reposez" + c'est une rencontre un livre + euh tout comme on rencontre des gens euh je j' crois qu'y a y a voilà c'est ça qu'ils ont perdu
le le la notion de rencontre
mais là vous parlez du livre comme objet matériel
ben objet à la fois de du contenant
X presque + oui
et du contenu alors c'est au départ c'est l' contenant qu'on voit hein c'est comme vous dites
c'est l'objet c'est l'objet
la quatrième de couverture
mais pourquoi celui-là et pas celui d'à côté euh je sais pas ça peut être l'auteur ça peut être le titre la couverture peu importe + y a quand même une forme d'attirance vers euh je crois que c'est un peu comme pour les êtres les êtres vivants y a des rencontres qui s' font et d'autres pas + et les les gens ont les lecteurs ont perdu ce + ils ont besoin beaucoup maintenant d'être assistés ils ont pas entendu parler ils ont pas + et je leur dis mais "allez-y allez-y"
vous croyez que c'est
si différent
y a
vous vous
ah beaucoup plus maintenant beaucoup plus + on a l'impression que pour des des textes des auteurs + dont ils ont pas entendu parler qu'ils n' connaissent pas ils vont prendre un risque + et ça on est dans une société où on n' prend plus de risques hein tout doit être bien cadré bien cerné euh + bien sécurisé + et ça on l' retrouve un peu un peu même chez nous oui moi je l' sens de plus en plus
d'accord
bon je
quelquefois
moi j' vais leur proposer un texte ils vont m' dire "ah euh j- non ben j' l' connais pas" ou "j'ai j'ai pas entendu par-" "oh j'en ai pas entendu parler" alors je leur dis "ben essayez ! allez-y !" + et c'est c'est curieux parce que justement là j'ai un + euh j'ai un copain qui lit pas mal de temps en temps il prend des livres pour sa parce que lui il lit beaucoup d' polars + et XX il m' dit "bon je vais en prendre un pour ma femme parce qu'elle en a un peu marre des polars"
et euh + et par exemple là y a y a pas très longtemps je je lui avais parlé euh + je lui avais parlé des Déferlantes là c'est un titre de de Claire Gallay là dont on parle un peu + moi je l'ai lu y a quelque temps + bon c'est un petit je dis souvent aux gens + c'est un petit peu à la fois un livre d'univers mais en même temps un vrai roman + euh c'est un roman j' pense qui surprendra pas l' lecteur parce qu'on a déjà vu beaucoup d' choses de de de bon + c'est vrai qu'y a souvent des impressions déjà dé- déjà-vus comme ça + mais euh y a une tonalité une écriture un univers surtout + et je dis c'est un peu l' même genre de plaisir finalement + un livre bon voilà on commence et on va au bout + tout simplement + c'est le le un petit peu le livre plaisir + ça fonctionne un petit peu euh comme le l'Elégance du hérisson voilà
on que vous n'avez pas lu voilà
que j'n'ai j' avoue pas lu
mais
mais j'imagine
qui était vraiment un énorme succès
Anne-Marie Garat avec ses qui qui a abandonné l'écriture + expérimentale est un trop
grand mot pour euh refaire de grands romans euh
oui + elle est revenue au roman un peu fleuve hein
populaire
ah moi ça m' tentait beaucoup mais
il est vrai que j'ai j'ai pas eu le temps ni de lire le premier j' pense que j'aurai pas l' temps de lire celui-là pourtant moi j'aime beaucoup alors m'immerger dans des gros pavés quand on est bien dedans ça j'adore quoi
ça ça fait livre d'été
ah c'est génial + oui oui oui
ça vous
oui oui
vous le vendez?
un petit peu + bon j'essaie de l' mettre en avant mais c'est vrai bon alors soit c'est trop gros bon + y a quand même aussi un petit peu l' prix il faut le dire hein + les nouveautés brochées qui viennent de paraître maintenant
les gens attendent
que ce soit des poches
bon y a y a voilà voilà beaucoup
vous sentez le les difficultés économiques?
beaucoup oh énorme énorme oui
ah oui
oui oui
donc pour vous
+ euh
et ça ça fait quand même très
les gens en parlent
très longtemps oui
oui oui oui
oui
oui oui moi quelquefois ils me disent hein enfin ils le disent pas vraiment mais + quand ils me disent "je vais voir" "bon je vais attendre un peu" "je vais réfléchir" + bon
vous sentez que c'est ça
ils vont pas nous dire euh "non c'est trop cher"
mais + c'est pas loin pour certains oui oui oui
y en a qui m' l' disent quelquefois
mais quand même + bon X
"je vais attendre qu'ils sortent en poche"
oui
d'accord
ouais
donc ça c'est des réflexions quelquefois on le voit + et puis bon moi je m'en rends compte hein la rotation poche est beaucoup plus importante que la rotation nouveautés maintenant + à part certains titres
vous nous décrivez là
nous X
+ ben oui
ma famille aussi bien
oui
c'est
oui oui
je pense qu'y a des gens qui vont s' reconnaître un petit peu dans c' genre de portrait c'est pas euh + nous c'est un constat qu'on fait hein donc euh + et moi j' me rends compte que quand même maintenant les rotations s- oui sont beaucoup plus importantes sur les poches + le panier moyen va beaucoup plus sur le poche
vous avez vu des gens partir euh + pour des raisons économiques?
dans le
ah oui
oui
oui oui oui + beaucoup
ils le commentent donc
des voisins
qui disent
ouais
"ben on peut plus tenir"
"on peut plus tenir" ou alors "il nous faut plus grand et on peut pas"
"on peut pas dans le quartier"
et on peut pas acheter dans Paris
ah oui mais ça ah ça c'est un énorme problème hein + et je pense que si on a des problèmes + maintenant de clientèle + euh bon moi qui suis une vieille Parisienne peut-être que j' me trompe mais moi j'ai quand même beaucoup l'impression qu' cette ville est devenue + euh bon on va dire le centre une ville musée + les les les arrondissements extérieurs un petit peu bon euh + comme les nôtres des arrondissements dortoirs
moi je crois que c'est une ville qui s'est beaucoup
XXX
vidée d' sa population en plus d'une population jeune et donc ça c'est une ville vieille + euh moi j'ai eu des échos par exemple par certains représentants + euh qui me disaient euh bon que certains confrères étaient complètement désespérés parce que leur clientèle traditionnelle était en train d' partir + que beaucoup d'immeubles comme tous ces immeubles qu' ont été vendus à la découpe comme on a beaucoup entendu parler ça c'est une réalité nous on en a eu beaucoup dans l' quartier ici hein + beaucoup + là je vois y en a rien qu'ici y en a y a les deux du bout de la rue + + euh celui d'en face euh + là où y a le le grand magasin là le le le le le les immeubles un peu récents là + tout ça ce sont des immeubles qu' ont été vendus à la découpe qui appartenaient + l'un à une société suisse
l'autre aussi je crois des banques
oui + les banques avaient acheté
j'imagine
aussi
euh
en face j' crois que c'était au + au GAN il me semble enfin une assurance hein une
donc ils ont vendu
y a une
grands assu-
dizaine d'années
euh celui d'en
non ils continuent X
face euh + ils l'ont mis en vente c'était quand euh y a pas + y a pas tant d'années que ça peut-être trois quatre ans
maintenant hein
ah bon d'accord
à côté c'est à peu pareil là celui du bout d' la rue euh oui grosso modo + mais moi j'ai oui je je connaissais un couple de clients ils sont partis + d'ailleurs y a eu à un moment donné euh
ils avaient + ah ben ils étaient + et comme elle
y a eu sans doute des associations de
me disait "on on est squatteurs nous"
ouais
ils avaient plus d' bail
ouais + y a eu des essais d'associations de locataires sans doute
à ce moment-là ou de
ouais je sais pas trop
bon je sais qu'y en a (un, X) là ils sont ils ont un problème sur l'avenue euh + euh c'était bon y avait beaucoup de vieux loyers dans cet immeuble + euh je sais pas exactement c' qui s'est passé en tout cas il m' semble que ça a été + euh repris par un marchand d' biens et qu'à un moment donné + enfin bon y a y a eu quelque chose d'un petit peu particulier et je crois que la mairie d' Paris a mis un veto sur la la vente de de
XXX
mais il faut qu'elle puisse racheter
la mairie d' Paris
voilà mais ils ont mis un j- attendez y a y a un terme juridique qui m' revient pas du tout + + euh + + un droit d' péremption c'est ça hein je f- je sais pas + et euh parce que je crois qu'y a y a eu un problème au moment d' la vente de l'immeuble la vente globale de l'immeuble + et euh + j- sûrement j' sais pas s'ils ont pas tout déclaré si euh + euh + si y a eu bon euh un marchand de biens qu' a voulu faire une plus-value trop importante enfin en tout cas y a eu quelque chose + et du coup la mairie euh la mairie a mis son un peu son grain d' sel là sur cet immeuble-là + donc pour le moment les gens les les les locataires sont un peu en attente
ouais + donc c'est une
mais je pense qu'y a une procédure qui est entamée
réalité un peu noire hein
que vous êtes en train de
décrire + pour vous
ah ben oui non mais j' crois qu'elle est
elle est là hein
cette réalité
oui
et il faut euh + il faut quand même + il faut quand même le voir en face hein
ah oui ça c'est très clair
alors + si on
remonte maintenant de de + quelques dizaines d'années c'était comment euh l'enfance d'un enfant du quatorzième
c'était comment euh + ben moi moi j' dois dire bon peut-être que + moi c'était peut-être un petit peu différent d' certains d'autres du fait que mes parents étaient commerçants
oui
euh donc euh
qu'est-ce qu'ils vendaient?
euh ils étaient ils avaient la la la poissonnerie rue Daguerre
d'accord
euh donc nous c' qui fait que c'était un peu le village quoi parce que on connaissait tout le monde et tout le monde nous connaissait quelque part + euh c'était plus facile pour nous du fait que + y a y a y avait un peu X cette façade publique déjà du du métier des parents + euh donc on connaissait très très bien évidemment tous les voisins commerçants les enfants des voisins commerçants + euh qui pour pas mal étaient à peu près d' notre génération à ma soeur et à moi hein donc euh + sur à peu près une dizaine d'années on était tous dans la même tranche d'âge + et euh moi mes parents sont arrivés rue Daguerre en cinquante-huit + euh bon ils avaient ils avaient une autre boutique avant euh bon sur la proche banlieue et euh + ils ont eu l'occasion donc de de reprendre d'arriver la rue Daguerre dans ce magasin oui c'est ça c'est c'était cinquante-huit voilà + + euh
donc ce qui fait que nous là le
donc vous êtes née(s) là?
euh mais alors + on est nées rue Da- oui on est nées euh
enfin
enfin
c'est pas difficile d'être né dans le quatorzième arrondissement parce qu'y a beaucoup d' maternités dans cet
secteur
oui d'accord
y a beaucoup d'hôpitaux hein d'ailleurs de sur cet
arrondissement
oui
et y a beaucoup d' maternités mais on on ma soeur et moi on est nées dans le quatorzième maman y est née + on est tous nés à Baudelocque on est toutes nées à Baudelocque
ah oui
et euh + oui c'est c'est la maternit- à Port-Royal qui est à côté d' Port-Royal hein voilà
Baudelocque c'est X euh + Ras- euh Port-Royal voilà c'est ça je vois
je vois très bien
Baudelocque c'est bon ça dépend de de l'hôpital Cochin mais euh c'était la maternité j' crois d' Cochin puis y avait Port Royal quoi
en fait toutes ces maternités + oui au métro Port-Royal RER
oui à l'angle Montparnasse XX
oui voilà à l'angle du boulevard Montparnasse et de l'avenue d' l'Observatoire
c'est cela oui
hein voilà + et euh donc mais y a beaucoup d' gens qui sont nés là
+ dans ces maternités-là + et puis euh donc voilà c'est c' que je vous disais tout à l'heure donc nous on habitait rue Boissonnade + euh après donc ces
petites rues euh
mais quand vous dites
on connaissait tout l' monde ca veut dire que vous + vous pouviez jouer dehors on vous laissait
oui enfin à l'époque la la rue Daguerre était pas piétonne comme elle l'est maintenant + euh c'était une rue une petite rue commerçante comme y en avait beaucoup comme la rue Mouffetard bon comme beau- beaucoup existaient existent encore un petit peu dans Paris mais y en a d' moins en moins quand même + et euh oui oui alors nous on était souvent dans la rue oui bien sûr
d'accord
et euh + donc euh moi moi j' m' souviens puis en plus moi j'étais très très XX j'étais tout le temps même parce que + je rentr- tous les jours quand j' rentrais d' l'école quand j'étais un petit peu plus grande + euh quand je rentrais d' l'école j'allais faire les courses + donc maman m'attendait avec la liste de courses et l' porte-monnaie + et d'ailleurs quelquefois quand elle voyait des clients qu'elle connaissait bien ou des voisins qui passaient + euh elle disait "bon ben si vous voyez Nicole quelque part il faudrait peut-être lui dire qu'elle rentre à la maison faire ses devoirs"
moi j'aimais
beaucoup
oui parce que
les courses traînaient un peu du coup
oui beaucoup ben évidemment alors moi j'allais je je tous tous les tous les commerçants que j' connaissais "ah ben alors ça va la petite aujourd'hui ?" "t'as passé une bonne journée?" "t'as" et comme j' suis quand même j'étais je je suis et j'étais déjà à l'époque très bavarde + euh donc c'est vrai que ça pouvait durer très longtemps + mais j- moi j'adorais ça + ah ma soeur elle était plus timide plus réservée donc elle euh + s'occupait plutôt plus de la maison parce que comme beaucoup d'enfants d' commerçants on faisait quand même beaucoup pas mal à la maison quoi + mes parents avaient des gros gros horaires hein donc euh
d'accord mais les courses ça commence XX
voilà les courses et puis bon dès qu'on a un petit peu que maman nous a montré XXX bon + voilà y avait les les on on aidait beaucoup à la maison donc on préparait c' qu'on pouvait + euh déjà pour les repas souvent et puis + voilà et puis c'était comme ça j' pense que vous vous avez connu ça aussi + euh on mettait la table on voilà y avait beaucoup d' choses qu'on faisait
quand même
mais moi j'ai
dix ans de plus donc c'était normal
ouais
et y a un moment où ça bascule et où on cesse de demander des choses aux enfants
ah oui non moi
je nous on fait encore partie de
c'est des choses qui m'intéressent euh
ma soeur et moi on est encore d' cette génération-là hein + + nous on est fin baby-boom donc euh on a encore été élevées comme ça d' cette façon-là ça c'est euh + donc voilà mais c'était euh
et dans la rue alors vous avez joué aussi c'était pour les courses ou c'était aussi j' sais pas moi la marelle les billes
ben rue Daguerre y avait pas trop d' place hein quand même
donc euh
d'accord
quelquefois on allait plus sur la place Denfert-Rochereau + vers les squares là qui sont donc derrière la la la station d' métro là vers la rue Froidevaux
tout petit
euh
moi je + euh
y a un tout petit square
oui y a oui y a y en a deux + y en a un qui touche euh y en a un qui touche le métro et puis l'autre qu' est + qui est juste
derrière
oui
le le passage de la + de la de la place Denfert puisque maintenant + parce que les la la configuration d' la place était pas comme ça à cette époque-là + euh le le boulevard Raspail euh + la circulation remontait quasiment jusqu'au Lion de Belfort hein jusqu'au Lion + et maintenant y y a eu un moment où ils ont ils ont fait un immense rond-point on va dire + donc ils ont coupé une partie d'un des petits squares
pour que les les les
pour faire un peu plus grand
la circulation voilà du boulevard Raspail contourne un petit peu la place même + et ils ont créé la station de de taxis qui est maintenant + à contre-sens en haut du boulevard Raspail
donc c'était plus grand quand même
voilà donc euh
et ça c'était
un terrain d' jeu
oui c'était assez calme
on allait très souvent
vous pouviez aller
au square on jouait dans le square
on allait
oui
se cacher dans les buissons jouer à cache-cache oui oui bien sûr
ouais
on était euh + et puis très souvent moi je jouais aussi avec j'avais une amie qui habitait en haut du boulevard Arago + et là y avait beaucoup d' place + parce qu'y avait plus euh + ça a toujours été un boulevard qui était très large + y avait le trottoir et puis vraiment la largeur qui est maintenant occupée par des voitures + et là y a y avait énormément de place oui là on jouait euh + oui oui
alors c'était quoi
ben pareil oui la marelle on jouait à la corde enfin bon tout qu'est-ce que oui + aux billes un peu
mais pas l' vélo ?
et dans la non + non nous on avait pas d' vélo à Paris du tout alors non pas du tout + non non les vélos étaient à la campagne chez mes grand-parents + parce que là on y allait on y allait toutes les vacances hein on nous on nous envoyait on nous mettait au train ou dans l' car + et on partait toutes les vacances scolaires c'était en général hors Paris
parce qu'on a d' la on a d' la famille
Noël? Paques?
en provin- toutes
toutes
toutes + en général toutes les vacances
en tout cas quand on était enfant oui hein
vous avez gardé + oui vous avez
du coup gardé un
ah beaucoup d'attaches
oui
un attache
oui oui + mes grand-parents maternels avaient une avaient acheté une maison pour leur retraite dans l'Yonne à côté d'Auxerre + et mon père est originaire de Franche-Comté tout au fond du Doubs là dans le Haut-Doubs + donc là-bas euh bon lui était issu d' famille nombreuse hein comme beaucoup d'familles paysannes très nombreuses donc euh + là-bas on a énormément d' famille enfin bon moins maintenant parce que + euh la génération de mon père a presque disparu donc euh + mais euh + moi j'y vais XX comme ma soeur d'ailleurs on y va très très régulièrement encore tous les ans oui ah oui + moi ça m' manque hein quand j'y vais pas
ah oui
il faut aller se ressourcer un petit peu oui + donc en général oui oui nous toutes les vacances + ben toujours pareil hein parce que + parents avaient pas trop l' temps d' s'occuper d' nous bon + après quand on a eu euh + huit dix ans bon ça c'était terminé souvent on restait à Paris euh là on s' gardait toutes seules hein parce qu'y avait plus besoin de
c'est la toute petite enfance
oui + oui mais enfin bon on
et
quand même hein ils nous envoyaient quand même mais par exemple les les vacances qui étaient très courtes
quelquefois on partait plus
moins + oui d'accord
voilà
et donc l'école c'était quoi votre école ?
ah nous dans l' privé !
dans le privé ! oui oui
ah + dans le privé ?
ah oui
mais pourquoi
dans l' privé?
eh ben parce que c'était toujours d'ailleurs comme presque tous y avait beaucoup d'enfants d' commerçants dans l' privé
parce que
parce que
les parents n'avaient pas l' temps d' s'occuper d' la scolarité je pense que c'était un peu cette raison-là
c'- on vous l'a donnée cette
raison ?
non
non
non
non non + non parce- c'est vrai qu'en v- en plus j'ai jamais vraiment demandé + + on était d'ailleurs nous on
était y avait le voisin d'en face
et vous avez continué?
qui était dans la même école que nous
vous avez continué dans l'
privé?
ah moi
j'ai toute ma scolarité s'est faite dans le
privé du coup
jusqu'au bac
oui oui
d'accord
oui
et
et nous on allait à une école euh ben à la limite du quatorzième treizième euh + euh juste après la Prison d' la Santé
c'était une
école
donc
catholique
j'imagine
oui oui oui
oui oui une école religieuse catholique d'ailleurs y avait encore des soeurs hein moi quand j'étais enfant euh + quand j'étais enfant moi c'était l'horreur parce que on allait aux scouts
on était + on é- on était scouts enfin Jeannettes à l'époque on était ça ça a pas duré trop longtemps parce qu'à un moment on a dit aux parents qu'on voulait plus y aller + donc on a quand même été aux scouts quelques années quand on était donc c'était
l'uniforme ah c'était une horreur l'uniforme!
donc ca faisait tous les dimanches
oh là là
ouais
les jeudis parce que moi j'ai je j'ai connu encore les jeudis + euh les jeudis et souvent l' dimanche alors euh + + euh c'était bleu marine et bleu les scouts et bleu marine et blanc l'école
une horreur
je suppor-
donc vous en avez vous en avez des
souvenirs d'uniformes
XX
ah mais c'est affreux
je je je supporte plus d'ailleurs je n'ai jamais reporté de bleu
je supporte plus cette couleur depuis
mais dites-moi est-ce que + + bon euh c'é- c'était très rigide qu'est-ce qu'on qu'est-ce qu'on faisait
dans ces
non
pas spécifiquement nan non + évidemment
bon y a y avait
c'était le côté imposé
mais vous savez moi j' vous parle de ça c'était fin des années cinquante début
des années
oui
soixante donc c'était encore très + alors c'est vrai que bon si si y avait la messe hein y avait la messe dans la semaine + + donc euh et puis euh bon le + j'ai pas trop l' souvenir moi j'étais une élève très dissipée donc euh + + c'est vrai qu' souvent bon ben avec les copines j' contournais + on contournait on allait s' cacher au moment de la messe on bon on faisait beaucoup de bêtises
et puis euh
mais on vous a gardée
oui + oui oui oui oui c'est vrai que bon j'ai eu plusieurs menaces de renvois mais euh bon
ça restait peut-être que des menaces de temps en temps maman X- allait quand même à l'école y avait une petite convocation c'est bon mon père se déplaçait jamais hein + c'était les femmes traditionnellement qui s'occupaient d' ce genre de choses + scolarité des enfants en tout cas moi papa s'en occupait pas du tout donc euh + euh c'est vrai qu' c'était souvent maman qui allait + + alors bon + mais dans l'ensem- dans l'ensemble ça allait quoi c'était devenu un petit peu comme moi j'ai passé quand même plus d' dix ans dans cette école + c'était devenu quand même un peu chez moi quoi
donc c'est plus c'est moins affreux que vous n' le dites
non non c'était pas le c'est pas vraiment des des des des
des trop mauvais
XX
souvenirs
hein
oui
c'était euh non finalement y a eu un moment ben voilà + on allait à l'école on allait à l'école hein + c'était
vous avez gardé vos copines ?
non
donc ça
s'est
non
arrêté XX
ça ça a beaucoup
explosé + + euh y en a certaines que j'ai retrouvées en fac
euh
vous étiez où en fac?
à la Sorbonne
à la Sorbonne? + oui
et euh donc y en a quelques-unes que j'ai retrouvées en fac
bon qui étaient pas vraiment avec moi euh
dans les années soixante-dix
soixante-dix oui
soixante-dix
et euh + juste ap- oui après soixante-huit quoi
donc la Sorbonne d'après soixante-huit hein juste après mais
Paris IV
oui Paris IV
ouais
encore très + la vieille Sorbonne encore bien traditionnelle voilà oui oui oui
donc la vieille Sorbonne XX + avec Deloffre avec + oui d'accord
Paris I était déjà plus plus ouverte
mais
oui
Paris IV était encore très très traditionnelle
à l'époque
oui
quoique moi j'ai vécu un grand moment dans ma + université j'ai j'ai assisté à l'arrivée de Ferdinand Céline euh
au programme de Licence
oui ?
ah oui c'était une grande première + d'ailleurs euh
les profs qui s'en occupaient c'était
ah oui parce que vous avez choisi
Paris IV et pas je n' sais pas
mais moi j'avais pas pu je m- + + ben je j'avais voilà au départ j'étais partie
moi + Paris III ou Paris XIII ou XX
à Cens- j'étais partie pour m'inscrire euh + à
Censier
Censier oui
et euh bon comme Censier est quand même une petite faculté + euh moi quand je suis quand j' me suis inscrite ben là c'était déjà plein
ah oui
d'accord
y avait
plus d' place déjà donc je me suis rabattue sur Paris IV quoi + c' qui fait que bon j'ai retrouvé certaines euh oui certaines euh + + de de de mon école là-bas on bon au Quartier Latin oui certains qui faisaient euh des études + et puis bon y en a avec qui on a encore eu quelques contacts pendant quelques années parce que bon c'est pareil elles étaient aussi en + en formation ou Ecole Supérieure + et puis c'est vrai que petit à petit
on s'est
ça s'est défait
ah oui oui oui + assez vite d'ailleurs moi je trouve hein + assez vite
souvent c'est c' qui s' passe hein souvent
c'était + oui oui
souvent euh on se rencontre oui
surtout dans des grosses villes dans des grosses villes
comme ça euh + les les les oui les les les les gens s'éparpillent s'éparpillent vite + + et puis bon comme beaucoup d'écoles privées y avait souvent des des jeunes des enfants qui venaient d'un peu plus loin + euh donc nous euh du fait que c'était le treizième y en avait déjà beaucoup plus qui étaient sur le treizième donc + qui habitaient plus sur la Glacière-Corvisart et nous c'était plus notre quartier déjà hein + loin d' là + donc euh bon il arrivait que quand on était un peu plus âgées adolescentes on se retrouvait euh + euh le le le mercredi ou le + mais on on était pas du tout du tout du même quartier
et donc vous avez vu passer Soixante-huit
oui
euh avec des souvenirs
ou + oui?
ah très précis
oui + oui oui parce que + moi X bon c'est vrai que cette année on en a beaucoup reparlé j'vois j'ai des clients qui sont jeunes + et je disais moi à l'époque j'étais jeune hein je je j'avais treize ans et + mais donc on y a pas euh bon ma soeur a deux ans d' plus que moi on y a pas participé mais on écoutait ça avec ah oui oui on a suivi ça de très très très près
et alors
c'était
plutôt euh comment dire en adhérant à c' qui se passait ou
au contraire + parce que vos parents
oui quelque part bon j' pense qu'on avait pas encore une
conscience politique
énorme à cet âge-là
oui + oui
malgré tout hein + c'est venu un peu après mais je pense que ça nous a laissé cette conscience sociale et politique + euh parce que + quelques années après oui on a commencé à + voilà on a commencé à regarder un petit c' qui s' passait de plus près d'avoir des opinions d'avoir + et je pense que oui mai soixante-huit y est pour beaucoup
et comme femme?
peut-être + hein + parce que
oui oui oui oui oui
de temps en temps on peut s' dire que
c' qui a
mais j-
le plus changé c'est la place
de + (XX, ça vous n'étiez pas)
oui mais ça je pense que c'est peut-être
beaucoup plus tard
ah oui
euh avec un avec un peu d' recul + je je je crois que + on était un peu ben comme on dit l' nez dans l' guidon finalement donc on voyait pas trop fi- au au niveau des + des femmes de la génération d' ma mère où même des grand-mères + où était vraiment les les le le le problème + euh j' crois qu' c'est quelques années plus tard oui où vraiment là on s'était rendu compte de ce que - ce qu'avait été la vie d' certaines femmes et moi j' me suis rendue compte que par exemple ma mère euh + elle avait jamais géré son salaire quoi + + euh qu'elle avait pas d' compte en banque mais je pense que ça vraiment c'est quand on a eu peut-être oui à peu près vingt ans quoi + + dix-huit vingt ans que + oui parce que moi j'ai eu la majorité à vingt ans
non dix-neuf ans
et XX
ou vingt ans euh
c'est Giscard dix-huit ans
+ ah oui + oui
euh voilà donc moi à l'époque j'avais passé les dix-huit ans oui donc j'ai dû être majeure à dix-neuf ou à vingt ans je me souviens
plus très bien ça fait
vingt-et-un ans même
je crois
ben oui non mais moi du fait que Giscard
avait été élu
oui d'accord
je me suis retrouvée
majeure puisqu'il a donné + ça a été un des X voilà
oui oui ça y est oui oui ça y est je comprends ce que vous me dites
hein il a donné la majorité après son élection aux jeunes à dix-huit ans donc moi j' me suis retrouvée majeure j' crois que j'avais vingt ans
euh et + et alors on vous a mis + euh dans une école privée pour que vous soyez bien éduquée
et bien surveillée + euh mais comment ça se
oui un peu cadrée + mais je crois que c'était plus
au niveau d' la scolarité plus qu'au niveau de l'éducation + en général
hein
ah d'accord
euh bon moi mes parents euh + bon comme beaucoup mes parents étaient catholiques euh mais pas pratiquants quoi
vous avez fait votre Communion?
oui! + et puis dès l' lendemain d' la Communion j'ai dit "bon j' vais plus à la messe"
et on m'a dit "mais pourquoi
d'accord vous étiez une forte tête
tu as fait ta Communion" j'ai dit "ben pour avoir les cadeaux"
c'était
c'était quand même un grand moment
donc toute l'école
+ XX
faisait sa Communion en même temps
et on s' retrouvait
oui oui
avec les robes blanches
et les dragées + XX
voilà absolument absolument
et puis bon y avait quand même la fête à la maison aussi c'était pas mal hein
d'accord
une montre
euh oui une
montre attendez j' me demande
la montre de la Communion
j' m' souviens plus trop ce qu'on c' que j'avais eu en cadeau ah oui tout ce qui était finalement + tous tous les cadeaux oui c'était très traditionnel hein + la montre qu'est-ce qu'on avait encore
oh là je me souviens même plus
et alors après donc
quand quand vous avez commencé à dire "ben je + je sors" ou peut-être vous n'avez jamais dit
"je sors" "j'ai des copains" les boums ça commençait le la période
des boums
oui alors chez nous euh
nous ça s' passait jamais à la maison + donc euh on disait sans dire tout en disant quoi parce que + d'abord parce que c'était toujours nous qui nous déplacions ma soeur et moi + du fait des horaires un peu particuliers d' mon père + hein papa partait aux Halles le matin à deux heures et demi du matin + donc euh l'après-midi
il dormait
il se reposait
deux trois heures l'après-midi + ce qui fait et le soir il allait s' coucher au plus tard à vingt-deux heures c'était vraiment le + donc pas question nous on était habituées à tout faire en silence il fallait pas faire de bruit il fallait pas euh + parce que papa dormait
voilà
d'accord
ça c'était + donc en général y a jamais on a jamais eu vraiment d'amis + euh de copains et d' copines à la maison + donc quand y avait des fêtes c'était toujours chez les autres jamais chez nous
mais on vous laissait aller
oui
ça sans problèmes
oui oui oui oui oui oui oui
et y avait des permissions de dix heures onze heures
minuit
non
après pas trop bon euh moi ma soeur a commencé à travailler euh elle a arrêté au BEPC elle a fait deux ans euh + euh deux ans d'école donc elle a commencé à travailler assez vite + et euh elle s'est mariée à dix-neuf ans donc elle est partie assez jeune + et euh + bon moi j' dois avouer qu' je sais pas + j'ai pas d' souvenir de heurts avec mes parents là-dessus + euh peut-être parce qu'on était encore justement une génération (où, X) on était pas trop exigeants + ça commencait quand même hein + mais euh j' pense que c'est arrivé un petit peu après ces fêtes les boums les vraiment tout ce qui était vraiment organisation de fêtes et de + et euh
moi personnellement j'y allais un petit peu voilà + bon ouais oui oui + oui oui oui
donc vous étiez déjà étudiante au fond quand quand vous avez commencé à sortir euh vraiment
moi j'avais bon je suis rentrée en fac à dix-sept ans j'ai passé mon bac à dix-sept ans donc euh + j'étais encore un petit peu jeune et puis + donc il arrivait mais les boums le soir non + bon je pense que là d'ailleurs il était même pas question d'en parler parce que j'pense que mon père aurait dit non systématiquement + + et puis euh et puis après
ben ca a été
mais une fois étudiante
comment ça se passe ?
oh ben là y av- moi j'avais moi j'ai jamais eu d' problèmes j'étais chez mes parents mais euh + bon je travaillais euh moi j' travaillais souvent donc + une sorte de de d'accord entre mes parents je leur ai dit "voilà + euh je reste à la maison je cherche pas d' chambre + euh je vous demande rien si ce n'est que peut-être de temps en temps" je disais à mon père + "peut-être que d' temps en temps à la rentrée je vais te demander un peu d'argent pour acheter certains livres parce qu'ils sont chers" mais + pour le reste euh + moi j' travaillais toutes les vacances scolaires bon souvent chez eux d'ailleurs parce qu'il manquait toujours quelqu'un + donc c'était
pas trop un problème
mais vous étiez
une fille très sérieuse
non pas vraiment
si j' comprends bien
pas vraiment + mais donc c'est vrai qu'ils m' demandaient peu d' choses finalement + mais j' crois aussi parce qu'on était indépendantes très jeunes ma soeur et moi + et que quelquefois quand euh on a été un peu disons adolescentes quand ils commençaient à nous demander des choses
euh là on était un peu étonnées donc ou on leur répondait pas ou on les envoyait promener parce que + qu'ils commencent un peu à s'immiscer dans notre vie alors qu'on avait quatorze quinze ans là on se demandait un peu ce qui leur arrivait
d'accord
mais euh
et puis je je pense que y avait un rapport de y avait un rapport de confiance
mais pour vous c'était une évidence que vous alliez travailler
je crois
y avait un rapport de confiance bon
X + oui
quelque part i- ils avaient pas trop le temps d' s'occuper de de de nos vies à nous + et euh + bon ben voilà on était là l' soir on était bon les choses + euh c' qu'on avait à faire on l' faisait donc j' crois quelque part voilà chacun menait un peu sa vie séparément tout en habitant tous sous l' même toit
c'était + euh évident pour eux que vous alliez travailler
non j' crois ils n' l'ont jamais vraiment demandé + mais je je je pense oui on a fait + euh ben j' vous dis ça vient peut-être aussi le + du fait que bon + en tant qu'enfants d' commerçants on a très vi- on a on a
beaucoup participé + je vois autour de nous euh
oui + c'est ça j' me disais votre mère déjà
travaillait donc au fond le destin d'une fille n'était pas d' se trouver un mari
non
hein
XX
non puis je
je crois que ben mon papa était plus traditionnel oui dans dans dans sa forme de + dans la dans dans la vision d'éducation + euh maman elle avait elle a toujours travaillé + hein depuis qu'elle était jeune elle est partie bon quand elle a quitté ses parents bon elle s'est mariée parce qu'à l'époque c'était juste après guerre + et euh mais la maman a toujours travaillé + elle a travaillé euh elle était encore chez ses parents elle s- elle a travaillé donc euh + nous on a toujours vu nos parents travailler c'était pas trop un + et puis euh donc c'est vrai qu' moi j'aimais bien X même petite j'allais des fois leur donner un coup de main je moi j'aimais bien ça j' crois que j'ai toujours aimé l' commerce finalement
et l'idée des + de vacances + toute seule par exemple vous pourri-
euh
oui moi je suis partie alors attendez
vous auriez pu? vous aviez envie? vous l'avez fait?
est-ce que c'était l'année + ben oui c'était l'année d' mon bac + + donc à dix-sept ans moi j' suis partie avec une amie + on est parties toutes les deux ben avec cette copine qui habitait en haut du boulevard Arago qui était une vieille copine + alors elle c'était avec + + c'est euh c'est peut-être une des celles que j'ai vues le plus longtemps après le après l' bac + et euh et on est parties toutes les deux alors très traditionnellement aux Baléares
c'était c' qu'y avait de
moins cher
oui ben d'accord
donc euh alors ça a un petit peu accroché ma m- + du de de on envers maman pas trop + papa évidemment j'ai vu qu'il commençait à + à faire un peu la tête puis là il fallait qu' je demande parce que moi j'étais pas majeure donc il m' fallait un papier des parents
oui
voilà
d'accord
donc euh mais sinon non ça a pas été + ça ça a pas été un énorme obstacle finalement
non
d'accord
donc euh + au fond + + enfin j' sais pas s'il faut parler de révolution des moeurs parce que
non
c'était ça a l'air de d'être comme ça dans votre famille depuis longtemps
vous n'avez
oui
pas connu une espèce de rupture
à aucun moment hein
non non
non non pas vraiment ah non moi je je dois avouer qu'non chez nous y a y a jamais eu de + y a jamais eu d' très très grandes scènes pour c' qui était un petit peu de de + bon surtout à l'adolescence euh bon on était qu' deux filles alors c'est vrai que c'était un peu quand même + mais non moi j' trouve que quelque pa- enfin moi j' l'ai pas j'ai pas senti de contraintes hein + euh peut-être que ma soeur en a senti elle peut-être un peu plus ça lui a peut-être un peu plus pesé je sais pas exactement + mais euh non moi je j' trouve qu'elle a pas + on faisait pas c' qu'on voulait mais à partir du moment on était dans les limites + euh quelque part de c' qu'on attendait d' nous euh ils ont jamais rien exigé non non mes parents ont jamais eu vraiment d'exigences majeures quoi + puis vous savez + y avait quand même beaucoup d' choses dont on parlait pas ! + euh moi j' vois euh bon avec maman ça a pas été trop un problème c'était une femme donc et puis je + mais par exemple avec papa l'éducation sexuelle et les problèmes de relation avec les garçons et autre c'était + un jour ben alors papa ça tombait toujours sous forme de sentence hein comme ça y avait une forme un peu patriarcale quand même quelque part + et j' sais plus à prop- un jour à propos d' quoi + on l'a regardé c'était on savait pas s'il fallait rire ou + et un jour il nous a dit "je vous préviens ne reven- ne rentrez jamais à la maison enceintes hein"
ben
d'accord
grosso modo voilà + ça c'est il s'en est tenu à ça et euh on a tout à fait compris ce qu'il voulait dire quoi
voilà je je crois que c'est sûrement une des seules fois où mon père a abordé c' sujet-là avec nous
hein
mais
par exemple + + la pilule +
euh s- + il fallait
ah oui moi je non ça vis à vis de
l'autorisation des parents
oui + oui oui
donc
moi ca a pas été un problème avec maman non
aucun
d'accord
non non
oui
donc ça c'est passé dix ans avant en fait c'que vous ra- oui
non elle là-dessus + ah oui non ma mère était
très là-dessus elle a jamais euh + bon elle nous a parlé très jeunes bon comme souvent à des filles hein qu'un jour on serait réglées que + donc tout tout ce qu'y a bon + elle est pas rentrée dans le détail du point de vue d' la sexualité pure parce que ça je + puis j' crois que même encore maintenant
je sais pas moi j' suis pas mère hein donc euh + moi je crois qu'à mon avis voilà hein je crois je suis
maintenant les les mères ne sont peut-être pas les mieux placées + pour en parler
pas vraiment sûre que les parents soient encore les les mieux placés pour parler d' ça + donc si vous voulez bon + comme on disait à l'époque maman nous a prévenues d'un tas de choses comme les mères bon certaines mères parce que moi je pense qu'y a + des mères d' la génération d' la mienne qui parlaient pas d' ça à leurs filles + euh nous euh maman elle était e- elle avait une parole assez libre là-dessus + j' crois qu'elle a jamais été très gênée d' nous en parler alors en général elle nous prenait toutes les deux ma soeur et moi hein pour éviter d' répéter
donc elle faisait un lot + hein
oui
euh disons par exemple pour c' qui était de c'est vrai qu'on était encore sur notre génération euh par exemple bon les premières règles pour certaines c'était encore un mystère les + la mère en avait pas parlé on parlait d' ça à demi-mot elles comprenaient pas très bien + euh nous maman nous expliquait à peu près clairement c' que ça allait être + et euh elle nous en a parlé assez jeunes donc moi j'étais très jeune quand elle en a
parlé parce que
forcément
puisqu'y avait deux ans
d'écart avec votre soeur
voilà + et
et comme maman a été réglée très jeune elle se doutait bien qu'y avait une des deux si c' n'est les deux à qui ça arriverait très jeunes + bon c'est tombé sur moi donc finalement + euh + elle a elle a j' pense que oui ma soeur devait avoir à peu près onze ans + et moi j'en avais neuf donc + voilà
d'accord
donc X ça c'était pour ce qui était de de bon voilà du fait comme on disait "tu deviendras femme"
+ donc voilà et puis après c'est vrai qu' quelquefois on avait un peu des conversations avec elle + elle nous a jamais euh vraiment parlé c'est souvent à l'occasion de certaines conversations + quand les choses bon les choses + j' me souviens pas exactement ça pour ce que ce dont je viens vous parler là + j' m'en souviens parce qu'elle nous l'avait dit en vacances on était en vacances avec elle + et je sais pas un jour c'est venu comme ça elle nous en parlé on était toutes les trois et voilà + et euh parce que on partait jamais en vacances avec mes avec mes deux parents ils fermaient pas la boutique + donc y avait un mois qui était souvent réduit à trois semaines quand tout allait bien avec mon père + euh et là on partait en Franche-Comté il allait voir sa famille et un mois avec maman et souvent là on partait au bord d' la mer on partait et voilà + on a fait certains voyages + maman nous a un peu donné le goût des voyages
papa
d'accord
détestait ça + euh et puis euh + donc voilà mais + de c' point de vue-là euh + moi j'ai pas + bon y a eu quelques questions mais j' crois que + e- elle était très concise hein finalement + on y a y a on a pas eu beaucoup d' questions à lui poser derrière
peut-être aussi que c'est maintenant qu'y a un déferlement d' paroles
peut-être euh + avec les radios jeunes avec tout ça peut-être moins avant
oui bon y a je je je pense qu'on a + on a peut-être dû poser quelques questions
à des moments à certains moments pour avoir des précisions mais + c'est vrai qu' grosso modo on on on a elle nous a dit je pense l'essentiel + l'essentiel moi j' me souviens pas qu'on ait eu des questions qu'on lui ait posé des questions après qu'on lui ait + j' vous dis j' pense que peut-être quelques détails ou y a des choses qui sont venues un peu après au cours des conversations qu'on avait + avec elle + mais euh non
j'ai pas vraiment de souvenirs détaillés
mais est-ce qu'au fond ce que vous m' dites
ça recoupe c' que disaient des gens j'ai interrogé plusieurs personnes du septième qui qui situaient cette rupture dans l'éducation des filles justement euh + dix ans avant soixante-huit
oui
est-c' qui ce qui
va dans ce sens
oui + voilà
c'est-à-dire les gens étaient déjà un peu plus détendus et au fond vous dites la même chose
oui
hein
mais moi
XX
j' fais encore partie je pense d'une génération où on avait pas + y avait pas de réel dialogue avec les parents + y avait pas la parole comme euh + bon + on parlait à table on parlait d' choses et d'autres on + euh on on était déjà plus d' la génération où on renvoyait les enfants quand les adultes étaient à table + euh mais on participait aux conversations même quand y avait des amis ou d' la famille ou + euh donc y avait plus ce côté très bourgeois et guindé de l'éducation qu'y avait vraiment avant + et euh et puis d'un autre côté + + je j' crois qu'on était pas tout à fait dans dans la rupture donc + euh ce côté euh ce côté euh oui parole à l'enfant expliquer tout aux enfants non non nous quand on était petites on obéissait c'était comme ça on faisait ce qu'on nous voilà "on t'a dit de faire ça ben tu le fais" y avait pas d'explication à savoir pourquoi + d'ailleurs moi quelquefois il m'arrive d'être un peu choquée je vois des jeunes mères là qui viennent ici avec des enfants
+ mais ça discute mais c'est horrible horrible!
et qui discutent interminablement oui oui
y a un moment les enfants sont déjà partis ailleurs + ils ont fait quatre fois l' tour d' la librairie ils ont déjà ils entendent plus rien quoi + c'est + j' crois qu'il faut + il faut qu' les enfants comprennent qu'y a des choses qu'on leur explique pas qu'il faut faire et pas faire voilà c'est
ouah ! vous êtes juste en avance d'un an ou deux
XX justement
il suffit d' regarder les livres qui sortent
tout le monde en est un peu convaincu
oui mais je crois qu'y a des enfants
qui a trois ans sont pas aptes à comprendre des explications ils + savent pas d' quoi on leur parle + je
on revient aux quartiers
parce que sinon
oui
on aura refait
l'histoire de l'éducation et + et de mai soixante-huit
oui + voilà et de mai soixante-huit et de l'après